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Abonnées au siège passager, ces femmes reprennent le volant… et leur liberté
2025-03-10
HaiPress
CAMILLE PICQUOT POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE » Clémentine a beau détenir le permis de conduire depuis treize ans,chaque sortie au volant est un calvaire. Passe encore les courts trajets avec la citadine familiale dans le centre de Lyon,un terrain connu,mais toute tentative de s’aventurer plus loin lui semble une expédition à haut risque. La conductrice choisit des horaires sans trafic,coche « éviter les intersections difficiles » sur son GPS et esquive les bretelles d’accès aux voies rapides,sa hantise. Le reste du temps,« c’est mon conjoint qui conduit,admet la pédiatre de 34 ans,qui n’a souhaité donner que son prénom,comme d’autres personnes interrogées. Il me propose de prendre le volant,mais je trouve des stratégies d’évitement. Cet été,j’ai dû conduire parce qu’il risquait de s’endormir. Ça m’a pris une énergie folle. J’anticipe tout ce qui pourrait se passer de grave. » Clémentine a pourtant obtenu son permis à 21 ans,après un échec,mais sans obstacles majeurs. « Aller aux leçons ne me posait pas de difficultés,remarque-t-elle. L’inquiétude s’est installée peu à peu. Je sais,c’est ridicule. »
Bien que des femmes conduisent depuis le XIXe siècle,et alors qu’elles sont presque aussi nombreuses que les hommes à posséder le permis – elles représentaient 47 % des permis délivrés en 2023 –,les conductrices percluses d’inhibitions sont encore légion. On croise ces anxieuses du volant chez des urbaines soulagées de se passer d’une voiture au quotidien,mais également chez des femmes qui,bien que conduisant régulièrement par obligation,refilent dès que possible les clés du véhicule. « Quand les deux membres d’un couple hétérosexuel sont présents dans une voiture,l’homme conduit dans 80 % des cas »,observe Marie-Axelle Granié,directrice de recherche en psychologie sociale à l’université Gustave-Eiffel,spécialiste de la conduite et du genre. Les conducteurs sont bien moins nombreux à exprimer leur appréhension de la route,même s’il est probable qu’ils se conforment aussi à des attentes sociales. « Dire que l’on n’aime pas conduire ou que l’on ressent de l’anxiété au volant est plus acceptable socialement pour une femme que pour un homme »,relève-t-elle.
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